Abzongol : un voleur volé !

Par les temps de crise économique qui courent, de Covid 19 qui bloque tout, il est rare de trouver des chefs de familles qui restent fidèles à leur honnêteté. Dépassé par les demandes de sa famille, Abzongol est rentré dans le marché de Mailaou, sous une belle matinée de soleil sahélien.

Après plusieurs tours au marché sans une graine d’espoir en solution, Abzongol est allé s’assoir sous un gros savonnier. Il était midi ; les vrais commerçants ont eu tout ce qu’ils veulent. Reste à vendre, des articles ‘’mort à l’âne’’, comme on le dit chez nous ici. Lool ! Lui, Abzongol de son état de chômeur à durée indéterminée (CDI), n’e pensait qu’à violenter quelqu’un, prendre son bien puis revendre. Mais, dans ce petit marché hebdomadaire, tous les commerçants semblent avoir un 3^ème œil qui voit tout en caméra de surveillance brute. Ici, il ne peut pas voler une chèvre, non. Un coq n’a pas une bonne valeur marchande. Le bœuf ou le chameau, c’est aller droit en prison…

Perdu dans ses réflexions, il aperçut une cabine téléphonique à 100m de lui. Pendant qu’un jeune groupe électrogène ronflait de chaleur sous le kiosque, deux autres groupes électrogènes étaient garés en mode secours. Abzongol a disparu derrière le grand savonnier. Quelques minutes de réflexion…

C’est quand les « voleurs », les « sarag », les « Kourbou » ont commencé à envahirent le marché que le cabiniste s’était rendu compte que la coupure constaté à l’intérieur n’est pas dû à une panne sèche, mais plutôt que quelqu’un venait de voler son groupe électrogène, quand bien même il était en marche.

Tout le marchait courait après le voleur. Tel un athlète près de la ligne d’arrivée, Abzongol aggravait les foulées et envoyait de la poussière aux visages de ses poursuivants. Il s’éloignait de plus belle. La foule avançait avec insistance. Le groupe électrogène tournait toujours. Mais devant Abzongol, le fleuve Chari. Toute la foule savait que le voleur ne pourrait pas traverser, avec un groupe électrogène sur la tête. Abzongol s’était arrêté ; il voyait la foule s’avancer et il regardait le fleuve à ses pieds. Avant que la foule n’ait eu le temps de jubiler la capture de son voleur, Abzongol, comme un nageur s’enfonça dans l’eau en maintenant solidement son butin de vol. Il était bien au milieu du fleuve quand la foule se rassembla au bord du fleuve, scandant des ‘’tu vas voir’’, ‘’tu mourras bientôt’’, ‘’sois maudit à jamais’’, etc.

Arrivé sur les lieux, le propriétaire du groupe électrogène a consolé la foule en lui disant : tant que je suis en vie, Dieu va me donner un autre groupe. Cette note d’encouragement permis à Abzongol de traverser sans crainte le fleuve. Il arriva à l’autre rive et déposa le groupe électrogène à ses pieds. Le groupe ronflait toujours... Un tour pour respirer un bol d’air. Le groupe ronflait toujours. N’importe qui à la place d’Abzongol ne voudra amener un groupe électrogène ronflant dans le quartier pour s’attirer les yeux de tout le monde. Il se reposa quelques minutes sur un tronc d’arbre. Le groupe ronflait toujours. Il s’énervait un peu déjà. Quelle est cette machine qui ne veut pas s’arrêter de ragoter ? Faire des kilomètres à courir avec un groupe électrogène qui s’entête ? Cette fois-ci, Abzongol s’était énervé pour de vrai.il s’approcha du groupe et l’observa en plongée, d’un air hagard. « Tu te moques de moi ? », rumina-t-il.

Sans hésiter il empoigna le groupe des deux mains, le traînant entre les jambes, il se dirigea vers le fleuve. « Si tu veux pas te taire, je vais t’aider à le faire ». Il plongea le groupe dans le fleuve. Hèhè ! Une gorgée d’eau. Et encore, encore ; le groupe but suffisamment de l’eau.

En retirant le groupe électrogène, tout heureux Abzongol pensait directement à qui lui achèterai cette machine afin de lui accorder la possibilité de résoudre ses nombreux problèmes de famille. En se retournant, il se retrouvait face à une vieille femme qui lui dit ceci : mon fils, l’eau et l’essence ne se mélangent jamais. L’argent que tu vas dépenser pour réparer ce groupe là, ça peut acheter un groupe neuf. Prend les 2000F là et laisse-moi ça ; l’aluminium qu’il y a dans le groupe peut faire une marmite pour une vieille femme comme moi. »

Sans trop réfléchir, Abzongol s’éloigna de la vieille dame en enfonçant ses 2000F dans sa poche. Deux minutes après, la vieille femme sortit son téléphone et lança un appel : « Allô mon fils, j’ai retrouvé ton groupe électrogène derrière le fleuve ».

Ah bon, lui cria le cabiniste !
C’est l’ex fils de mon voisin qui te l’a volé…Je lui ai donné un faux billet et il m’a remis le grorupe.
Euh…
Mais, si tu veux récupérer cela, apporte-moi mon téléphone Androïde que mon fils m’a envoyé des Etats-Unis et que tu as volé l’année passée…

A bon entendeur, priez !

NELDE CALVIN